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transports : Les défis à relever pour faire des services express régionaux métropolitains un succès

Rita El Khoury & Fares Goucha & Eléonore Le Leuch
30 avril 2024

Les transports sont un levier pour dynamiser les territoires isolés et faciliter l’accès aux bassins d’emploi. L’État, les régions et les métropoles se sont emparés du sujet avec la loi relative aux Services Express Régionaux Métropolitains (SERM), promulguée le 27 décembre 2023. Celle-ci propose de développer d’ici 10 ans un réseau de RER métropolitains dans dix grandes agglomérations, hors Île-de-France.

Pour réussir ce pari et s’imposer comme une alternative crédible à la voiture, les futurs RER devront garantir aux usagers liberté, rapidité et qualité.

Désenclaver les territoires les moins bien desservis actuellement, permettre à tous les Français d’accéder facilement à leur lieu de travail, où qu’ils résident, tout en créant de nouveaux territoires de croissance et d’activité, c’est l’objectif de la loi SERM. C’est aussi la clé principale pour décarboner les transports, secteur le plus émetteur de gaz à effet de serre en France (43 % des émissions en 2019).

Pour gagner son pari, ce réseau, à l’étude dans une quinzaine de grandes villes en France (Lille, Lyon, Grenoble, Marseille…) et parfois déjà en service (Strasbourg, Bordeaux) devra tenir ses promesses de liberté, de rapidité et de qualité au service des usagers.

Accompagner la révolution des usages

Pour convaincre les Français de privilégier les transports en commun à la voiture, les mobilités doivent gagner en compétitivité et en efficacité. La crise du Covid a poussé de nombreux citadins à quitter les centres urbains au profit de la banlieue. Une tendance soulignée par les résultats d’une étude réalisée par SeLoger, publiée en décembre 2023 : 64 % des requêtes sur la plateforme concernent des maisons.

Les Français souhaitent bénéficier d’espace, comme l’indiquent les filtres – « jardin », « terrasse », « piscine », etc. – utilisés pour affiner leurs recherches. Cette tendance se heurte néanmoins à une réalité géographique implacable : la plupart des opportunités professionnelles se concentrent encore dans les cœurs urbains. La faible couverture du réseau ferré oblige donc aujourd’hui nombre de salariés à utiliser leur voiture personnelle pour se déplacer. Et pour cause : elle leur offre une totale liberté et le plus grand confort.

Un maillage dense, un réseau interconnecté

Et si les transports en commun pouvaient offrir les mêmes attributs ? C’est la promesse de la loi SERM, grâce à un engagement franc et massif des politiques publiques pour la création d’un écosystème ferroviaire plus dense. Pour constituer une alternative crédible à la voiture individuelle, le réseau public doit garantir la même souplesse d’utilisation et une qualité de service au niveau, le tout de manière décarbonée. Cela passe d’abord par une large couverture du territoire. C’était d’ailleurs l’ambition du Réseau Express Régional (RER) d’Île de France, avec l’objectif de simplifier les échanges pendulaires Paris-banlieue, en évitant les changements multiples de lignes. L’actuel RER A, créée dans les années 1970 pour traverser l’Île-de-France d’ouest en est sur 109 km, est aujourd’hui la ligne de train la plus importante d’Europe avec des pics de fréquentation réguliers à plus de 1,3 million de voyageurs par jour.

Le réseau doit également connecter les points stratégiques entre eux – comme le RER relie les gares parisiennes – et disposer de hubs multimodaux pour simplifier et encourager le passage d’un moyen de transport à un autre. La gare de Châtelet-Les Halles, reliée aux RER A, B et D, à 5 lignes de métro ainsi qu’à 13 lignes de bus, constitue un très bon exemple en la matière. Le RER B permet également de rejoindre les deux aéroports de Paris. La fréquence élevée des trains garantit de surcroît aux usagers confiance et fiabilité, a fortiori avec une amplitude horaire très importante. À l’arrivée, le réseau permet de se déplacer plus rapidement, en évitant un trafic routier souvent surchargé.

Enfin, pour être attractif, chaque réseau de SERM devra être accessible grâce à une billettique simplifiée et harmonisée, d’une part ; et conserver une tarification abordable, d’autre part. Ce double levier d’attractivité vise à convaincre les Français de changer d’habitudes et à reconsidérer le rapport exclusif (pour ne pas dire la dépendance) qu’ils entretiennent avec la voiture individuelle. Pour y parvenir, il est indispensable d’envisager les transports dans une logique porte à porte, avec des temps de trajets rapides et concurrentiels. Autre argument et non des moindres : entièrement électrique, le SERM permet aussi à ses usagers de se déplacer en limitant leur empreinte carbone.

À Bordeaux, les ingrédients essentiels du futur SERM

Le projet du SERM de Bordeaux, amorcé en 2020, entend répondre à tous ces enjeux. Le réseau prévoit notamment la création de nouvelles gares, indispensables pour désenclaver certains territoires et développer une intermodalité entre le ferré et les autres moyens de transport. Deux nouvelles haltes ferroviaires seront ainsi créées à Bouscat et Talence-Médoquine, chacune reliée à d’autres modes de transport (tram, vélos en libre-service, car, etc.).

De manière générale, le réseau prévoit d’être relié à d’autres modes de transport, pour desservir les communes en dehors de la métropole, qui ne bénéficieront pas du réseau ferré. La mise en place de nombreuses lignes de car, de bus mais aussi des solutions de covoiturage sont ainsi prévues en complément, pour convaincre les usagers. Ensuite, le réseau prévoit la fusion de certaines lignes pour simplifier les itinéraires des usagers, tout en optimisant les coûts de maintenance et de logistique.

S’il implique d’importants financements – l’État s’est engagé à aider les régions à hauteur de 700 millions d’euros pour un coût total estimé à 10 milliards d’euros –, le déploiement du réseau de RER métropolitain est aussi l’un des leviers pour aménager durablement et équitablement le territoire. La décentralisation des réseaux ferrés permettra de créer de la croissance et d’attirer des investissements locaux, tout en s’adaptant aux nouveaux modes de vie de nombreux Français.

Ce choc d’offre en faveur des transports collectifs organisé autour du ferroviaire est nécessaire pour développer les métropoles. Son succès reposera sur son financement à long terme, dont les modalités ne sont pas encore établies. La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat s’est d’ailleurs emparée de la question et a annoncé l’organisation d’une conférence nationale de financement d’ici le 30 juin 2024. La commission a également rappelé que « les SERM doivent être pensés par et pour les territoires, et ne sauraient être un outil de recentralisation des politiques de mobilité ». Il s’agit là d’un impératif pour reconnecter les communes, trouver le bon équilibre entre l’offre et les usages mais aussi pour rapprocher les services publics des zones rurales. Un défi qui nécessite la mobilisation de tous.

Auteurs

Rita El Khoury

Senior Consultant | Public Sector | Infrastructure | Transport & Mobility, Capgemini Invent

Fares Goucha

Vice President Rail Industry, Capgemini Invent

Eléonore Le Leuch

Senior Consultant – Sustainable Mobility, Capgemini Invent
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