TELLi, un modèle d’innovation pour le secteur ferroviaire

Ce double défi de complexité et d’urgence est au cœur de TELLi, un projet d’innovation ferroviaire mené par un large consortium dont fait partie Capgemini. TELLi  est conçu comme un système intégré – matériel roulant, infrastructure, exploitation – à faible coût et faible empreinte environnementale destiné à revitaliser les lignes de desserte fine du territoire pour faciliter les déplacements au sein des territoires et les interconnexions avec les transports en commun aux abords des métropoles. Lancé en 2022 et désormais à mi-parcours, TELLi est exemplaire du virage que doit prendre le secteur ferroviaire pour innover plus et plus vite, et cela tant en termes d’objectifs que de méthode. Celle-ci doit s’articuler autour de trois axes : approche systémique et collaborative, processus itératif, et utilisation massive des données et du numérique.

Collaborer pour une optimisation systémique

Premièrement, la dimension systémique et collaborative. Relativement nouvelle dans le ferroviaire mais centrale dans TELLi, la question de l’énergie est la parfaite illustration de la nécessité d’aborder collectivement les enjeux complexes. Pour desservir des lignes avec peu de points d’électrification, TELLi fonctionnera entièrement sur batteries, ce qui, pour accroître son autonomie et flexibilité d’exploitation, nécessite d’envisager tous les organes, toutes les fonctions du train dans un objectif de frugalité énergétique. Le poids, en particulier, est un paramètre crucial, d’autant plus que le minimiser permettra aussi de limiter la charge sur les voies, et donc les coûts de maintenance et d’exploitation.

Pour obtenir des gains significatifs sur le système dans sa globalité, y compris l’infrastructure, et non l’addition d’optimisations ponctuelles et marginales, cette équation énergétique doit être envisagée à l’échelle systémique, en liaison avec les exigences de sécurité, opérationnelles, pratiques, économiques, environnementales… dont il faut aussi tenir compte. Tous ces sujets étant interdépendants, cela requiert, comme le fait TELLi, de réunir et coordonner un large écosystème d’acteurs et d’expertises : opérateur, constructeur, fournisseurs, ingénierie, recherche académique, pouvoirs publics… Travailler ainsi de concert à des solutions intégrées pour atteindre un optimum global, sans contrainte imposée à d’autres acteurs,  constitue une première rupture dans le domaine ferroviaire.

Innover par itérations pour aller plus loin et plus vite

Deuxième dimension, et deuxième rupture : le recours à des méthodes itératives. Pour véritablement innover, il faut pouvoir suivre des pistes inédites, étudier des idées neuves, tester plusieurs options, s’affranchir des habitudes, se tromper… et donc s’en laisser la liberté tout en étant capable de repérer très vite les voies sans issue pour ne pas s’y attarder inutilement et y gaspiller ses ressources. En s’inspirant notamment des méthodes agiles du digital, et en les adaptant aux spécificités de l’ingénierie, Capgemini Engineering a ainsi mis en place des boucles d’exploration raccourcies pour le projet TELLi. En procédant ainsi, non seulement on tend vers la meilleure solution sans l’avoir totalement définie au départ, mais on gagne doublement en vitesse : sur la conception, par la dynamique des itérations, et sur les essais, car la robustesse du processus permet de ne tester physiquement que des prototypes très aboutis. Dans le ferroviaire, les cycles de développement sont en général d’une dizaine d’années ; TELLi vise à diviser par deux ces délais et les coûts associés.

Partager la donnée dans un cadre de confiance

Enfin troisième dimension, et troisième rupture : la donnée. Pour associer de multiples acteurs sur des sujets complexes et des cycles courts, l’échange de document entre partenaires trouve ses limites. Il faut impérativement s’appuyer sur des plateformes numériques et des outils de simulation qui intègrent données, modèles numériques, fluidifient la collaboration et stimulent l’intelligence collective. Dès le lancement de TELLi, un sujet a cependant très vite émergé : l’importance capitale de préserver la propriété intellectuelle des membres du consortium. Des garde-fous techniques et organisationnels (ségrégation des données, limitation des droits d’accès, modèles « boîte noire »…) ont donc été mis en place afin de créer des zones de collaboration où chacun peut partager ses données en vue d’atteindre un résultat collectif sans crainte de révéler ses secrets industriels.

Cette approche de l’innovation – débridée, collective, itérative, virtualisée – constitue un changement culturel profond dans le monde ferroviaire. Mais pour inventer les solutions inédites, voire de rupture, qui permettront de répondre aux enjeux d’une mobilité durable dans des délais courts, le secteur devra nécessairement sortir de ses logiques usuelles et élargir ses perspectives. Ceci exigera en particulier d’être très attentif à la conduite du changement pour lever les réticences des collaborateurs, les aider à s’approprier les outils et les méthodes, et les embarquer en leur démontrant toute la valeur de la démarche. Projet grandeur nature, TELLi prouve qu’un tel changement est possible, accessible et efficace, au plus grand bénéfice de la filière, des voyageurs et de l’environnement.