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Le secteur financier s’ouvre au cloud : les raisons de cette accélération

Laurent Lefrançois & Ambroise Lelievre
15 mai 2023

Dans le secteur bancaire en Europe, les études montrent que seulement 15 % des traitements sont aujourd’hui opérés dans le cloud.

En tenant compte des outils collaboratifs et de travail à distance, dont l’usage a explosé depuis la pandémie, on peut estimer que n’y sont finalement hébergées que 5 % à 7 % à peine des applications cœur de métier. Dans l’assurance, le tableau est à peu près similaire, et très loin, par exemple, de la grande distribution ou de l’industrie. Cette faible adoption du cloud par les services financiers en Europe tient essentiellement à leur culture, dominée par la prudence et la gestion des risques : de leur point de vue, les bénéfices promis par le cloud ne suffisaient pas, jusqu’à présent, à compenser les risques qui semblaient l’accompagner. Toutefois, depuis quelques mois, le paysage technologique et métier a considérablement évolué, au point d’inverser ce rapport et de remettre complètement en question les arbitrages des stratégies cloud existantes.

Des craintes que l’on maîtrise mieux ou que l’on relativise

Les choix des acteurs de la banque et de l’assurance en matière de cloud ont été, en grande partie, dictés par des craintes que l’on sait désormais mieux maîtriser ou que l’on tend aujourd’hui à relativiser. Beaucoup redoutait, notamment, de se retrouver captifs de leurs fournisseurs de cloud (vendor lock-in). Or, on s’aperçoit de plus en plus que s’efforcer de tout rendre portable et réversible, notamment via une containerisation systématique, constitue une limitation à la valeur importante, et qu’à l’image des plateformes de données, il vaut mieux parfois tolérer et assumer une certaine dépendance pour aller vite et créer davantage de valeur. Autre inquiétude majeure, les cybermenaces sont bien sûr plus que jamais d’actualité, mais les hyperscalers, avec leurs investissements colossaux et leur maturité en termes de cybersécurité, offrent désormais les environnements les plus sûrs que l’on puisse trouver si tant est qu’on les exploite de façon optimale. Enfin, beaucoup estiment aujourd’hui que le danger des réglementations extraterritoriales a sans doute été exagéré en termes de risques et de stratégie, et qu’en tout état de cause, les prochaines solutions de cloud de confiance permettront de s’en prémunir pour les données et les traitements les plus sensibles.

Des nouveaux risques qui plaident pour le cloud

Tandis que les risques, qui freinaient l’adoption du cloud, se réduisent selon l’évolution de la maturité des services proposés, il en émerge de nouveaux qui, tout au contraire, incitent à se tourner vers lui. La montée en puissance des néo-banques, des Fintechs et des Assurtechs change la donne et inspire aux clients de nouvelles attentes. Jusqu’à présent, les établissements traditionnels n’ont pas connu un exode massif. Mais plus les différences seront manifestes, plus complexe seront l’attraction et la rétention ils auront du mal à attirer et retenir leurs clients, surtout chez les jeunes générations. Et le cloud permet précisément de créer et d’offrir plus aisément les innovations souhaitées : expérience fluidifiée, parcours omnicanaux, hyper-personnalisation, nouveaux services… Et ce risque de ‘ringardisation’ technologique concerne non seulement la clientèle, mais aussi le recrutement : il devient aussi, en effet, de plus en plus difficile de séduire les meilleurs talents sans leur offrir la perspective de travailler sur les technologies les plus modernes. Parallèlement, se tenir à l’écart du cloud, c’est aussi courir le risque grandissant de laisser passer le train de l’innovation technologique. Data et IA, métaverse, blockchain… toutes les avancées actuelles sont désormais d’abord dans le cloud, et il est impossible ou déraisonnable pour les métiers de mettre en œuvre ‘on premise’ les cas d’usage qu’elles leur inspirent. Seule une plateforme ‘Data’, dans le cloud, peut par exemple permettre aux assureurs de créer et faire tourner des modèles prédictifs plus complexes et plus rapidement, ou des produits tarifés à l’usage. La donnée étant au cœur du métier de l’assurance, un directeur de la stratégie marketing banque d’un GAFAM ajouterait ici que les leaders de l’assurance d’aujourd’hui devraient être des « tech company ».

Encore récemment, demeurer sur les grands systèmes historiques, particulièrement fiables, résilients et performants, s’imposait malgré tout comme le choix de la prudence. Mais, les années passant, ce choix devient nettement moins évident, en raison de plusieurs facteurs :

  •  disparition des compétences
  • manque de flexibilité
  • hausse des coûts de licences
  • hausse des coûts de l’énergie…

En effet, ces systèmes historiques, après avoir été une sécurité, font maintenant peser un risque opérationnel de moins en moins négligeable. Enfin, il faut tenir compte de l’aiguillon énergétique et environnemental. L’IT est l’un des principaux postes d’émissions des activités tertiaires – comme la banque ou l’assurance – et le cloud est un levier majeur pour en réduire l’empreinte environnementale.

Des freins qui perdurent… mais que tempère l’expérience

Pour autant, tous les écueils qui entravaient l’essor du cloud dans le secteur des services financiers n’ont pas disparu. La règlementation continue de peser sur les systèmes et les processus, particulièrement en France et en Europe. Les organisations et leurs modes de fonctionnement ne sont pas moins lourds et difficiles à faire évoluer. L’IT a toujours la haute main sur le sujet du cloud, de sorte que les métiers peinent encore à se projeter, à être impliqué, et en partager les bénéfices qu’ils pourraient en tirer. Enfin, de nombreux travaux de mise en qualité de la donnée, et un déficit de ressources qualifiées pour opérer et grandir avec le cloud restent des freins forts qui retardent la mise en œuvre de certains projets. Toutefois, l’ensemble de l’écosystème (ESN, fournisseurs Cloud, éditeurs de solutions…) a su mettre à profit l’expérience acquise auprès des pionniers du cloud pour mieux connaître et appréhender ces contraintes persistantes. Pour mener les projets, ont ainsi été mises au point des méthodes plus robustes, plus agiles, et surtout impliquant davantage les métiers dans cette transformation pour en identifier de nouveaux modèles opérationnels. Ces approches, plus inclusives en embarquant toute la chaine de valeur métier, apportent davantage de bénéfices sous couvert d’un accompagnement au changement adapté à tous les niveaux de la chaine. On dispose aussi d’outils et de pratiques éprouvées, qui facilitent, voire automatisent la migration vers le cloud, tout en sécurisant les données. Et tous les acteurs ont gagné en maturité afin d’accompagner au mieux les établissements dans leur transition.

Dans la banque et l’assurance, la prudence reste la mère de toutes les décisions majeures, surtout dans un contexte aussi incertain qu’aujourd’hui. Concernant le cloud, la profonde évolution du paysage incite toutefois à rafraîchir voir repenser les stratégies en cours, le cloud apparaissant de moins en moins comme un risque, et de plus en plus comme une technologie incontournable qui répond aux besoins, aux usages et aux enjeux actuels et de demain. 

Auteurs

Laurent Lefrançois

Engagement Director, Cloud CoE
Laurent est directeur d’engagement expérimenté dans les projets de transformation Cloud. En lien avec son réseau d’experts, il accompagne les établissements Banques et Assurances dans leur adoption des solutions Cloud, et leur transformation à l’échelle sur toute la chaîne de valeur.

Ambroise Lelievre

Directeur Business Technology, Capgemini Invent
Directeur au sein de la division Business Technology de Capgemini Invent France, Ambroise Lelièvre accompagne ses clients dans leurs programmes de transformation technologique, principalement pour les Banques et les Assurances. Il couvre notamment les sujets tels que la migration vers le Cloud, la mise en place de plateformes digitales (API) et la convergence de SI. Au sein de la tribu Cloud, il co-pilote également la création d’une offre Cloud Souverain / Cloud de Confiance pour le marché français.