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Le secteur financier à l’heure du cloud : un changement de paradigme ?

Laurent Lefrançois & Ambroise Lelievre
11 avril 2023

En comparaison avec d’autres grands secteurs d’activité, comme la distribution ou l’industrie, les services financiers accusent aujourd’hui un retard significatif quant à l’adoption du cloud.

Avec seulement 8% des workloads sur le cloud, les banques et assureurs européens semblent cependant amorcer leur transformation.

Plusieurs raisons expliquent ce retard. La première d’entre elles est la réglementation Européenne qui, dense et stricte, rend tout changement plus délicat à mettre en œuvre pour ces établissements.

S’y ajoute la complexité opérationnelle des établissements, dont les ‘back office’ et ‘middle office’ s’appuient sur des organisations, des procédures et des systèmes historiques, particulièrement lourds et difficiles à faire évoluer et à transformer.

Aussi, l’adoption du cloud a longtemps été majoritairement portée et sous le contrôle des départements informatiques, qui le voyait surtout comme un moyen d’externaliser et de flexibiliser les ressources d’infrastructure, et non comme un levier de transformation digitale au service du métier et des utilisateurs. Cette approche très ‘IT 4 IT’ a rencontré peu d’adoption des départements métiers, intrinsèquement réticents au risque.

Enfin, alors même que les avantages du cloud commençaient à devenir évidents, la question de la souveraineté est devenue prégnante et l’annonce par le gouvernement français de la création du label « cloud de confiance » a engendré un certain attentisme.

Le cloud de confiance, un catalyseur d’adoption

Cette situation est toutefois sur le point de changer, là encore en raison de la conjonction de plusieurs facteurs.

Tout d’abord, la majorité des banques françaises (70%) envisagent de compléter leur stratégie Cloud actuelle avec des Clouds de Confiance, c’est-à-dire exempts des lois extraterritoriales étrangères qui peuvent s’appliquer en cas d’utilisation des solutions cloud des hyperscalers. Ces offres « cloud de confiance », et leurs plateformes (qualifiées SecNumCloud par l’ANSSI), seront très prochainement disponibles et devraient reconfigurer et accélérer l’adoption du cloud sur ce marché.

Aussi, au cours des dernières années, l’ensemble de l’écosystème cloud a considérablement gagné en expérience et en maturité : les offres sont plus riches, les approches plus matures, et le cloud se présente davantage comme un levier de création de valeur pour les métiers que comme un modèle alternatif de distribution des ressources technologiques.

Enfin, les grands systèmes, sur lesquels continuent de fonctionner la majorité des applications financières, atteignent leurs limites :

  • ils sont de plus en plus difficiles et coûteux à maintenir du fait de la disparition progressive des compétences ;
  • ils sont aux limites pour gérer les volumes colossaux de données que produit et exploite l’activité
  • ils ne permettent pas aux établissements traditionnels de proposer à leurs clients les mêmes produits, services et expériences que les FinTech et les AssurTech.

Alors qu’il pouvait paraître plus prudent, il y a quelques années, de différer la modernisation de ces systèmes, il est désormais impératif d’engager une transformation technologique, même si le retour sur investissement à court terme est encore difficile à prouver.

Le préalable : actualiser sa stratégie cloud

Fût-elle prudente, la plupart des banques et des compagnies d’assurance ont néanmoins déjà une stratégie cloud.

À l’heure de se (re)lancer et d’accélérer franchement, les banques et assurances doivent mettre à jour leur stratégie cloud car celle-ci a souvent été bâtie sur des prémisses désormais obsolètes. Ainsi, le cloud privé, dont beaucoup en avaient fait une priorité, atteint ses limites en termes de valeur / coût. En effet, ces solutions n’offrent pas la puissance et l’innovation des solutions d’hyperscalers, qui eux font l’objet d’investissements continus. En effet, le cloud public offre désormais des garanties et des fonctionnalités bien supérieures qu’auparavant. Et entre ces deux solutions, Cloud Privé / Cloud Public, se présente la nouveauté du cloud de confiance, qui permet de concilier contrôle des données et potentiel technologique. Ces trois options établissent ainsi un continuum de souveraineté amenant à redéfinir une doctrine d’utilisation en fonction des projets, des cas d’usage et de la sensibilité des données manipulées.

En synthèse, le principal enjeu des acteurs du secteur financier n’est plus de remplacer les datacenters par des ressources IT à la demande, mais bien de créer de la valeur grâce aux nouveaux usages, à la transformation des processus et aux innovations digitales.

En effet, seule une transformation en profondeur des organisations bancaires permettra de profiter de tout le potentiel du Cloud. Sinon, les gains resteront “en surface” avec quelques gains économiques et d’efficience, qui ne seront pas suffisants pour répondre aux challenges à venir du secteur. C’est pourquoi la stratégie cloud, dans sa définition comme dans son exécution, doit accorder une place importante aux métiers et à leurs enjeux d’efficacité opérationnelle, de réduction du ‘Time To Market’, de satisfaction client et, de plus en plus, de développement durable. Le métier doit être pleinement embarqué dans cette stratégie.

Bénéficier de l’expérience acquise pour accélérer et sécuriser la transition

Aussi, la révision de la stratégie cloud doit se nourrir de la maturité et de l’expérience acquises au cours des dernières années par l’ensemble des acteurs, tous secteurs confondus, à commencer par les fournisseurs cloud eux-mêmes, et bien-sûr par les partenaires intégrateurs qui accompagnent ces transformations à l’échelle depuis plusieurs années, en multipliant les expériences pour en maîtriser les difficultés et en sécuriser l’atteinte des objectifs.

En s’appuyant sur ces retours d’expérience, les décideurs du secteur financier ont la possibilité de voir, toucher, expérimenter les possibilités qui s’offrent à eux, et ainsi d’accélérer en toute sécurité leur transition vers le cloud.

Auteurs :

Laurent Lefrançois

Engagement Director, Cloud CoE
Laurent est directeur d’engagement expérimenté dans les projets de transformation Cloud. En lien avec son réseau d’experts, il accompagne les établissements Banques et Assurances dans leur adoption des solutions Cloud, et leur transformation à l’échelle sur toute la chaîne de valeur.

Ambroise Lelievre

Directeur Business Technology, Capgemini Invent
Directeur au sein de la division Business Technology de Capgemini Invent France, Ambroise Lelièvre accompagne ses clients dans leurs programmes de transformation technologique, principalement pour les Banques et les Assurances. Il couvre notamment les sujets tels que la migration vers le Cloud, la mise en place de plateformes digitales (API) et la convergence de SI. Au sein de la tribu Cloud, il co-pilote également la création d’une offre Cloud Souverain / Cloud de Confiance pour le marché français.