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Contrôler sa supply chain grâce à un système hybride s’appuyant sur l’Humain et la data 

Gilles Bacquet
4 juillet 2024

Comment déployer des ressources expertes au plus près de ses fournisseurs pour les accompagner dans le changement ?

La mise en place d’une démarche de partenariat avec ses fournisseurs implique d’avoir la capacité de les accompagner au plus près du terrain, où qu’ils soient à travers le monde et quelles que soient leur langue de travail ou leur culture. Au-delà, la gestion des crises, mais aussi les évolutions du principe de vigilance poussent à des contrôles et à des audits plus précis et plus fiables.

Les tensions sur les marchés, l’augmentation des délais de livraison ou encore les contournements de zones de guerre ont engagé les industriels à renforcer les liens avec leurs fournisseurs clés. En effet, l’obligation de confiance et de co-construction avec les fournisseurs prend de l’ampleur sur des sujets tels que : la montée en charge de la production, le raccourcissement des cycles de développement, la transformation numérique, l’amélioration de la qualité ou encore la sécurisation des matériaux et des pièces critiques. L’importance stratégique se démontre d’autant plus que les rapports de force peuvent parfois s’équilibrer, voire s’inverser pour des savoir-faire ou des biens en pénurie.

Au-delà, le devoir de vigilance[1] en France et demain la Corporate Sustainability Due Diligence Directive (CSDDD) européenne imposent aux grandes entreprises un cadre de plus en plus contraignant et un principe de responsabilité élargi à la fois sur les atteintes aux droits de l’Homme, sur la corruption ou encore liés aux dégâts environnementaux générés par les acteurs de leur chaîne de valeur, avec des sanctions pouvant aller jusqu’à 5% du chiffre d’affaires ! D’autres sujets ESG, comme l’empreinte carbone liée aux émissions dites de Scope 3, conduisent à mettre en place un reporting spécifique, voire des groupes de travail communs et des audits thématiques (SMETA, Ecovadis, etc.).

L’adoption de technologies nouvellement mobilisables dans le monde industriel, notamment autour des énergies renouvelables (hydrogène, solaire, fuel cell, etc.), implique également un dialogue riche pour que chacun comprenne les besoins et exigences de l’autre. Cet échange doit être un préalable à un travail d’accompagnement dans la durée, à des moments clés, pour qualifier ces nouveaux fournisseurs et leur permettre de travailler dans des environnements ou secteurs à fortes contraintes comme l’aéronautique et le spatial (réglementations, contraintes mécaniques ou de températures, etc.) ou la défense.

Vers des systèmes de contrôle et d’accompagnement hybrides  

La complexité protéiforme de la relation client-fournisseur réduit la pertinence d’un simple reporting déclaratif et relativise la confiance qu’on peut accorder à la mise en place de systèmes de management du type ISO, qui ont montré leurs limites en cas de crise par le passé. Elle contraint les industriels à devoir repenser leurs systèmes de contrôle et d’accompagnement de leur supply chain en mettant en place des systèmes hybrides, s’appuyant en partie sur la data, mais aussi sur des contrôles en présentiel et des interactions humaines.

Les ressources expertes disponibles et mobilisables physiquement sur des sites sont en effet les plus précieuses. Elles doivent pouvoir apporter une expérience pointue, nécessaire en temps de crise, qu’il n’est pas toujours simple à conserver dans un contexte de guerre des talents, mais aussi répondre à la diversité des sujets, à la dimension multiculturelle d’une supply chain mondialisée ou au besoin de maîtrise de la langue locale. Sans compter les limitations imposées par les temps de mise à disposition de visa, d’autorisation d’entrée sur certains territoires ou la dimension écologique (« coût » carbone), de déplacements d’experts présents uniquement en central.

Il est ainsi préférable, dans un premier temps, de travailler à l’identification des data clés et à la sécurisation de leur remontée au sein de centres de surveillance distants identifiés, capables de réagir rapidement et de gérer à distance certains types de crises. Ces experts mutualisés doivent avoir bien compris et être alignés avec les besoins des clients internes, mais également ceux de leurs fournisseurs. Ces experts doivent être libres de prendre des décisions rapidement. Il peut s’agir, par exemple, de prise de décision nécessitant de prioriser la livraison de certaines pièces grâce à cette visibilité globale mixte interne et externe. De la même manière, une partie de l’évaluation fournisseurs peut être réalisée à distance, que ce soit pour le contrôle de documentation, le suivi des principes de maintenance ou le contrôle de suivi post-recommandations.

À partir d’un certain niveau de complexité, on va alors projeter de manière plus précise des ressources expertes physiquement sur site, préférablement issues de la même plaque culturelle et géographique (en phase 2 d’évaluation, ou par exemple en cas de crise bloquante ou si un problème de priorisation émerge).

Cette hybridation permet de répondre à la diversité des situations et aux différents niveaux de criticité, mais elle est difficile à rentabiliser pour un acteur industriel seul, en dehors de quelques très grands donneurs d’ordre. C’est pourquoi apparaissent de plus en plus d’alliances multi-acteurs ou sectorielles pour gérer ces problématiques directement ou via un tiers de confiance.

Chez Capgemini, nous avons choisi de mettre en place un réseau international d’experts, présents au plus près de la supply chain de certains de ses clients, connaissant la langue et la culture locale, avec des profils très variés pour répondre à la diversité des problématiques (qualité par exemple) et un niveau d’engagement très fort, souvent directement lié à des résultats très concrets comme le taux de disponibilité.

Ce tiers de confiance sera aussi plus à même de mettre en lumière et de présenter au donneur d’ordre les dysfonctionnements qui impactent sa relation avec ses fournisseurs, tout en captant des signaux faibles de risque qui sont plus souvent cachés dans une stricte relation client – fournisseur. Il sera enfin capable d’intervenir pour différents acteurs du même secteur pour accompagner de manière plus globale la montée en niveau d’un fournisseur sur certaines thématiques transverses comme l’ESG.

Le chantier reste immense et va impliquer un nombre de plus en plus important d’acteurs, avec un risque financier direct et réel pour les donneurs d’ordre, mais aussi de réputation et des amendes potentiellement significatives. 2024 est une étape clé pour se préparer sereinement à ces échéances.

Pour l’un de ses clients présents dans l’aviation, Capgemini a pu mener un audit géant des fournisseurs au moment de la sortie de crise sanitaire mondiale, afin de disposer d’un état des lieux précis de chaque acteur de la chaîne.

En co-construction avec leur client, les équipes de Capgemini ont ainsi :

• débattu du référentiel d’audit en fonction de la typologie de fournisseurs (taille, pays, spécialité) ;
• défini une méthodologie d’audit hybride à distance et en présentiel ;
• garanti la production d’un rapport d’audit dans les 48h, signé par le fournisseur et enrichi d’informations complémentaires informelles ;
• produit une base de données complète pour visualiser concrètement les forces structurelles et les faiblesses de la supply chain de cet acteur et aboutir à une classification en fonction de la criticité des fournisseurs ou de la zone géographique.
Au total, Capgemini a pu mobiliser plus de 40 experts internationaux dans 35 pays pour mener en 13 langues les audits de 220 fournisseurs, dans un délai très contraint de 3 mois, dépendant des conditions sanitaires locales et des réouvertures des pays après les confinements.

[1] Le devoir de vigilance s’impose à toutes les sociétés françaises qui emploient plus de 5000 salariés en France et à toute société opérant en France qui emploie plus de 10 000 salariés à travers le monde, quel que soit le territoire où est situé son siège social. La future CSDDD abaisserait ce seuil à 500 collaborateurs, voire 250 dans les secteurs identifiés à fort impact.

Auteur

Gilles Bacquet

Senior Portfolio Manager
Diplômé en tant qu’ingénieur en Production – Supply Chain en 2000 complémenté par un Executive MBA en 2016, Gilles a rejoint le groupe Capgemini en 2001 en tant que consultant dans des activités de maitrise des fournisseurs pendant plus de 10 ans. Après une expérience à l’internationale, Gilles a rejoint les équipes Toulousaines en 2015 pour développer des activités logistiques pour un grand compte aéronautique et a intégré en 2021 les centres d’excellence en tant que responsable de l’offre Chaine logistique résiliente et durable au sein de Capgemini Engineering. Après une expérience à l’internationale, Gilles a rejoint les équipes Toulousaines en 2015 pour développer des activités logistiques pour un grand compte aéronautique et a intégré en 2021 les centres d’excellent en tant que responsable de l’offre Chaine logistique résiliente et durable pour la division Capgemini Engineering.
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