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Les Monnaies Numériques de Banque Centrale (MNBC) 

Adil Hihi, Manon Briole, Charles Beaurepaire & Louise Torres
3 octobre 2024
capgemini-invent

Décrypter les enjeux de la monnaie numérique de demain

Les banques centrales multiplient les études et initiatives de monnaies numériques, tantôt adossées à des systèmes technologiques innovants comme la blockchain, tantôt par des prismes plus traditionnels et centralisés. Nous vous proposons dans cet article de décrypter les principaux enjeux et implications de ces MNBC.

Les MNBC : un nouveau souffle pour les moyens de paiement

Dans un monde où les échanges financiers se transforment à une vitesse vertigineuse, la demande pour des solutions monétaires numériques ne cesse de s’accentuer. Pour citer un exemple, en 2022, le paiement par carte depuis un téléphone a progressé de +137%.

C’est dans ce contexte que les Monnaies Numériques de Banque Centrale (MNBC, ou en anglais CBDC) se positionnent comme (r)évolution majeure. Les MNBC sont de nouvelles formes de monnaies digitales émises et régulées par les banques centrales nationales. On distingue aujourd’hui la MNBC dite de détail (retail) accessible au grand public, de la MNBC interbancaire (wholesale), accessible uniquement aux banques. Dans cette analyse, nous nous concentrerons sur les MNBC de détail.

Les premières expérimentations de MNBC de détail à travers le monde

Les monnaies numériques de banque centrale (MNBC) suscitent un intérêt mondial croissant, avec des projets lancés dans divers pays. Parmi les pionniers, les Bahamas ont introduit le Sand Dollar en 2019, devenant ainsi le premier MNBC légalement reconnu en 2020. En Chine, le projet pilote de l’e-CNY a été lancé en 2019 et est en circulation depuis 2021, devenant rapidement un leader avec des transactions estimées à 1800 milliards de yuans en juin 2023, soit 234 milliards d’euros.

Un autre exemple est celui de la Russie, qui, suite au lancement d’un pilote du rouble numérique en août 2023, anticipe une montée à l’échelle de cette monnaie à partir de 2025, malgré un contexte de sanction limitant le commerce transfrontalier.

Enfin, c’est l’Union Européenne qui se tourne maintenant vers le projet de l’euro numérique, un projet en investigation depuis 2021, visant à moderniser les systèmes financiers tout en préservant la stabilité de l’euro. Le projet est actuellement en phase de préparation (approfondissement des études, alignement avec le cadre règlementaire, … ) depuis novembre 2023, et est prévu pour atterrissage en 2026.

Les implications de la MNBC pour les particuliers

Pour accéder à la monnaie numérique de sa banque centrale, le particulier devra procéder à l’ouverture d’un compte dédié au sein de sa banque ou directement auprès de la banque centrale, selon le modèle de gouvernance défini.

Disposer de cette monnaie numérique est une alternative à la monnaie fiduciaire. Elle garantira notamment au citoyen une meilleure efficacité dans ses transactions internationales aujourd’hui soumises à certaines limites (lenteurs, intermédiaires, frais) – l’arrivée prochaine de Wero au niveau européen devrait notamment combler une partie de ces manques. Par ailleurs, pour certains projets de monnaies numériques, les paiements hors ligne seront possibles, ce qui constitue une grande avancée comparée à l’utilisation actuelle des moyens de paiement numériques.

Des impacts non négligeables, à anticiper pour les acteurs financiers

Pour les acteurs financiers, l’adoption d’une MNBC devrait engendrer de grands bouleversements en termes d’organisation, de gouvernance, de concurrence mais aussi d’infrastructures technologiques, selon le modèle de distribution choisi. Aujourd’hui, 3 modèles de distributions se distinguent pour les MNBC :

  • Le modèle direct, dans lequel les banques centrales prennent en charge l’ensemble des actions liées à la distribution des monnaies numériques et en portent les responsabilités ;
  • Le modèle indirect, dans lequel les banques centrales externalisent certaines actions aux banques commerciales ou aux fournisseurs de solutions de paiement, au plus proche du modèle traditionnel que nous connaissons ;
  • Le modèle hybride, dans lequel les banques centrales et solutions de paiement émettent les monnaies digitales supportées par la banque centrale, permettant une transition graduelle et offrant davantage de flexibilité.

Quel que soit le modèle de distribution choisi, les banques commerciales devront en effet se réinventer pour accueillir la nouvelle monnaie dans leurs systèmes et organisations existants. Si les plateformes technologiques des MNBC sont toujours en cours d’étude et de conception, les technologies décentralisées apparaissent aujourd’hui comme les solutions les plus sérieuses pour répondre aux ambitions de sécurité, de traçabilité et de transparence, dans un contexte où les cadres réglementaires européens évoluent (FIDA, Dora & DSP3). Ce choix de décentralisation pourrait ainsi constituer une révolution majeure pour les banques qui devront alors se transformer pour poser les jalons d’un avenir CeDeFi (Centralized Decentralized Finance), où pourront cohabiter services financiers traditionnels et nouveaux services issus de la DeFi.

Cependant, malgré les promesses, l’engouement des banques reste aujourd’hui limité pour les MNBC de détail, car cette transformation pourrait détourner certains actifs (dépôts) vers la Banque centrale directement. En revanche, les banques commerciales s’intéressent de près aux MNBC dits interbancaires (wholesales) comme en témoignent certaines expérimentations récentes à ce sujet (exemple : SG Forge pour BEI).

Au-delà des banques, c’est l’ensemble de la chaîne de paiement qui est concernée. Fournisseurs de moyens de paiements, commerçants et entreprises devront alors étoffer leurs offres pour garantir l’acceptation de ce nouveau type de monnaie, en mettant en place des supports ou portefeuilles numériques adaptés. En simplifiant les paiements transfrontaliers, en automatisant les processus de règlement et en offrant une traçabilité accrue, les MNBC permettront ainsi une meilleure efficacité opérationnelle ainsi qu’une réduction des risques de fraude ou de blanchiment d’argent entre autres.

Enfin, les banques centrales, qui seront manifestement à l’impulsion de ces nouvelles monnaies, pourront utiliser les MNBC pour mieux contrôler la masse monétaire et suivre plus facilement les transactions effectuées. Les MNBC leur permettront ainsi de faciliter la mise en œuvre de politiques monétaires et fiscales plus efficaces, au-delà des avantages cités plus haut. 

Conclusion

Bien que leur émergence suscite aujourd’hui des réflexions et interrogations profondes qui ralentissent leur déploiement, les Monnaies Numériques de Banque Centrale (MNBC) semblent ouvrir la voie à un avenir financier digitalisé, inclusif et transparent. Elles offrent de nouvelles perspectives de rapprochement entre les mondes centralisés et décentralisés de la finance, posant de premières briques d’intégration de technologies décentralisées dans les systèmes bancaires et financiers traditionnels. Il est ainsi recommandé à l’ensemble des acteurs financiers de suivre de près l’évolution de ces projets MNBC, afin d’anticiper les prochaines transformations technologiques à mener.

Auteurs

Adil Hihi

Manager, Capgemini Invent
Au sein du cabinet depuis 8 ans, Adil est aujourd’hui manager chez Business Technology. Il a constitué la communauté Blockchain / Web 3.0 d’Invent France, adressant les opportunités ouvertes par ces nouvelles technologies distribuées. De la stratégie et l’idéation aux expérimentations et développement de MVPs, il a su accompagner des clients de différents secteurs et différentes tailles dans le déploiement de leurs cas d’usage.

Manon Briole

Consultante Senior, Capgemini Invent
Consultante senior chez Capgemini Invent au sein de l’entité Business Technology, Manon est une passionnée de tech et d’innovation, et se spécialise en particulier dans les technologies immersives et décentralisées. Membre du CTO Office de Capgemini Invent, elle a coordonné la publication du tech radar Invent 2024 et anime régulièrement des formations ou sensibilisations mettant en avant ces dernières tendances de marché.

Charles Beaurepaire

Consultant, Capgemini Invent
Consultant chez Capgemini Invent au sein de l’offre Web 3, Charles travaille sur des sujets autour de la blockchain et des cryptoactifs en explorant notamment les cas d’usage métier offerts par cette technologie innovante, en particulier sur la définition d’une offre autour du Custodial Wallet.

Louise Torres

Consultante, Capgemini Invent
Consultante chez Capgemini Invent au sein de l’entité Business Technology, Louise a rejoint l’offre Web 3 depuis 1 an pour travailler notamment sur les sujets de blockchain, et plus spécifiquement sur la création d’une offre de Custodial Wallet.

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