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FIDA, une étape décisive sur le chemin de l’Open Finance en Europe

Florent Martineau, Stéphane Dalifard, Jean-Charles Croiger et Sofiene Korbi
24 octobre 2024
capgemini-invent

Les institutions européennes poursuivent la construction du cadre réglementaire de l’Open Finance afin de stimuler la concurrence tout en protégeant le consommateur. Attendu pour entrer en vigueur courant 2025, FIDA est un texte qui imposera aux établissements financiers de partager, si le client le demande, les données concernant les produits financiers qu’il détient. Pour les banques et les assurances, ce pourrait être un véritable séisme.

Qu’est-ce que FIDA ? Qui est concerné ?

FIDA (Financial Data Access) est un cadre réglementaire d’accès aux données financières dans le secteur de la finance proposé en 2023 par la Commission européenne. L’objectif de ce texte est, d’une part, de poursuivre l’ouverture du secteur financier en encourageant la concurrence et, d’autre part, d’inciter les acteurs – banques, assurances, fintechs, assurtechs, … – à innover en accélérant leur transformation digitale et le développement de nouveaux produits et services.

FIDA s’appliquera à l’ensemble du secteur financier : banques, compagnies d’assurance, établissements de crédit, conseillers en gestion de patrimoine, courtiers… Concrètement, les établissements devront permettre aux autres acteurs du secteur d’accéder aux données financières des produits détenus par un client lorsque celui-ci en fera la demande. Ce partage de données devra se faire avec le consentement explicite du client et selon les modalités définies par des FDSS (Financial Data Sharing Schemes), des cadres techniques qui restent à élaborer par les parties prenantes. Pour convaincre les éventuels récalcitrants, FIDA prévoit des sanctions qui pourront atteindre 10 % du chiffre d’affaires.

Prévu pour être ratifié par le Parlement européen début 2025, FIDA devrait entrer en vigueur courant 2025 pour une application à partir de fin 2026, ce qui ne laisserait qu’environ 18 mois pour se préparer à des bouleversements business et techniques majeurs.

Quels risques ? Quelles opportunités ?

Avec FIDA, le client sera plus que jamais maître des données contractuelles et financières qui le concernent. Il pourra mettre à profit cette transparence et cette portabilité accrues pour faire jouer à plein la concurrence en s’affranchissant des réticences dont font preuve certains établissements.

Banques et compagnies d’assurance seront à minima contraintes de s’aligner sur les usages du marché pour ne pas s’exposer à des comparaisons défavorables. Mais ce sera sans doute insuffisant car, face aux GAFAM, Fintechs, Assurtechs et autres acteurs agiles et innovants qui ne manqueront pas de s’engouffrer dans la brèche, le risque sera alors de paraître figé dans des pratiques révolues et de voir fuir ses clients, notamment les jeunes actifs à fort potentiel.

À l’inverse, grâce aux nouvelles données qu’il sera possible d’obtenir sur les avoirs financiers de ses clients et prospects, FIDA offre l’opportunité de leur proposer des produits et des services mieux ciblés et plus précisément adaptés à leurs besoins. L’intelligence artificielle, en particulier, pourra être mise à profit pour profiler et segmenter plus finement sa clientèle et renforcer considérablement la personnalisation des offres et des approches marketing. Ceci se traduira par des opportunités de conquête significatives pour ceux qui sauront convaincre de la pertinence de leurs nouveaux services, mais aussi – et ce sera fondamental – de la robustesse de leurs mécanismes de leur protection des données ainsi que de leur respect des autorisations de partage consenties par les clients.

Pourquoi agir maintenant ? Quoi faire ?

Même si les inconnues toujours en suspens concernant les FDSS (acteurs impliqués, données concernées, modalités de partage…) peuvent laisser planer un sentiment d’incertitude, il ne doit faire de doute pour personne que FIDA sera bel et bien mis en œuvre, et qu’à l’échelle de grandes organisations, 2026, c’est demain ! Il faut donc s’y préparer sans attendre, d’autant plus que la concurrence est dans les starting-blocks.

Deux stratégies sont possibles. La première, défensive, va consister à se contenter d’une conformité technique minimale et à chercher à dissuader ses clients de demander à partager leurs données, en arguant, par exemple, de risques de sécurité. Cette approche permettra peut-être de gagner du temps, mais, on l’a dit, elle n’est pas viable face à des concurrents qui ont autant de moyens que d’ambitions. L’autre approche – que nous recommandons – sera d’avoir une attitude offensive afin de saisir l’indéniable opportunité de conquête que représente FIDA. Pour s’y préparer, trois chantiers sont à lancer dès à présent :

  • Mettre en place une réflexion sur les futurs cas d’usage : On doit s’interroger sur ce qu’il sera possible de faire avec les données dont on disposera et ce qui intéressera en priorité les clients. Dans le domaine bancaire, il sera beaucoup question de personnalisation des offres, de fluidification des parcours clients (à qui il ne sera plus nécessaire de demander certaines informations financières), de marketing et de conseils ciblés. Dans l’assurance, outre ces aspects de personnalisation, on pourra, par exemple, envisager des offres visant à regrouper et rationaliser les couvertures.
  • Préparer les évolutions techniques : Du côté des banques et, dans une moindre mesure, des compagnies d’assurance, ont déjà été mis en place des mécanismes de partage de données (API, plateformes data, marketplace…), notamment suite à la Directive sur les Services de Paiement (DSP2). Ils constituent un socle à adapter pour couvrir les deux volets de FIDA, à savoir la mise à disposition des données à la demande des clients, et la collecte et l’exploitation de données clients issues d’autres établissements. Un chantier important devra être consacré à la question de la sécurité et de la confidentialité des données.
  • Anticiper les changements : L’ouverture des données aura un impact important sur les conseillers et leur travail, mais aussi sur les clients eux-mêmes. Si l’on veut faire de cette nouvelle possibilité un atout commercial, il faut les y préparer. En dépit de la fraude (phishing, faux conseillers…), banques et assurances disposent d’un indiscutable capital confiance concernant la protection des données et des avoirs de leurs clients. Face à des acteurs qui n’ont pas ces références sur la durée, cette confiance est un argument différenciant très fort sur lequel il faudra absolument capitaliser car il sera décisif pour les clients.

En fluidifiant les échanges de données financières, FIDA promet d’intensifier doublement la concurrence dans le secteur financier : d’une part, en poussant les acteurs traditionnels à se remettre en question et à redoubler d’innovation et de dynamisme commercial ; d’autre part, en ouvrant la porte à de nouveaux entrants, comme les GAFAM, qui ne cachent pas leurs ambitions et multiplient ces derniers mois les initiatives en la matière, ou les grands fonds d’investissement, qui pourraient chercher à séduire directement les clients particuliers. Contre cette compétition accrue, une attitude défensive ne saurait protéger indéfiniment les établissements traditionnels, qui doivent au contraire se préparer résolument à saisir les opportunités de l’Open Finance.

Auteurs

Florent Martineau

Vice-Président Enterprise Data & Analytics | Capgemini Invent
Vice-Président chez Capgemini Invent avec plus de 18 ans d’expérience dans le secteur financier. Spécialiste de la transformation digitale et de la gestion de projets complexes, il accompagne les institutions financières dans leur transition numérique en assurant conformité réglementaire, efficacité opérationnelle et renforcement de la compétitivité.

Stéphane Dalifard

Vice-Président, Services Financiers – Banking Industry Leader, Capgemini Invent
Stéphane Dalifard accompagne les établissements financiers dans la transformation et l’évolution de leurs métiers, en les aidant notamment à tirer profit des opportunités offertes par les leviers digitaux (intelligence artificielle, IA/data, IoT, robotisation, openbanking, …) et à gagner en agilité dans un éco-système d’innovation foisonnant (fintechs, assurtechs, GAFA, …). Il est par ailleurs en charge de l’animation et du développement du Compte Crédit Agricole.

Jean-Charles Croiger

Directeur Senior | Capgemini Invent
 Jean-Charles a plus de 25 ans d’expérience en conseil dans le secteur bancaire. Il a mené des programmes de transformation des opérations en Banque de détail, CIB et Asset management, des phases de cadrage aux phases d‘implémentation. Il a l’expérience des programmes d’open banking dans les paiements (PSD2, ISO20022) et de conformité réglementaire en sécurité financière (LCB-FT, Sanctions, KYC).

Sofiene Korbi

Strategy & Transformation Consulting Director | Capgemini Invent
Sofiene, Directeur chez Capgemini Invent, dispose de plus de 18 années d’expérience acquise dans le conseil en stratégie et transformation pour le secteur financier. Il accompagne les établissements financiers dans le cadrage, la planification et la mise en œuvre de leurs projets de transformation stratégique métier, réglementaire et digitale.
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