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Du serious game à la simulation, il n’y a parfois qu’un pas 

Jean-Baptiste Guillerit & Philippe Dutroncy
25 juillet 2024

Comment le jeu vidéo se fait une place dans l’écosystème de la Défense

Alors que les besoins de formation se font grandissant dans le monde de la Défense, le secteur se tourne de plus en plus vers des outils numériques nouveaux, ludiques et immersifs : les jeux vidéo. Ou plus précisément l’utilisation d’outils issus des jeux vidéo pour la simulation opérationnelle. En effet, de nombreux environnements de jeux peuvent devenir des espaces de simulation pertinents pour la préparation de différentes typologies de mission, à des coûts nettement plus abordables que les environnements de simulation traditionnels.

Des besoins de simulation importants

Les Armées voient leurs besoins de formation et de simulation se renforcer dans 3 grands domaines : la préparation des forces (simulation d’entraînement, simulation médicale ou logistique), la préparation de l’avenir (simulation technique et doctrinale, y compris l’élicitation du besoin pour de nouveaux systèmes) et l’aide à la décision en opération. Or les environnements de simulation traditionnels sont souvent coûteux, longs à mettre en œuvre et difficilement scalables pour de très vastes populations militaires.

C’est pourquoi les forces armées du monde entier se tournent de plus en plus vers la réutilisation et la personnalisation de jeux sur base de jeux vidéo, de moteurs de jeux ou d’environnements ludiques pour produire des serious game professionnels militaires. En mobilisant les opportunités des réalités virtuelles, mixtes et augmentées, les forces armées ont la capacité de développer de nouveaux environnements, à large échelle, avec des retours sur investissement importants. Ces bénéfices s’expliquent notamment par une utilisation réduite des systèmes réels existants (chars, avions, etc.). Les entraînements en conditions réelles s’en trouvent soit complétés sur des aspects plus ciblés soit enrichis grâce à de la simulation embarquée directement dans les équipements. Par exemple, on utilise le char comme interface de la simulation mais sans bouger et sans tirer de vrais obus.

Airbus DS a développé le SIMFAC, le programme français de simulation pour l’entrainement des JTAC (ou contrôleurs aériens avancés). S’appuyant sur des écrans hémisphériques offrant un champ de vision à 180°, des casques de réalité virtuelle et des répliques d’éléments réels (jumelles télémétrie, désignateur laser, pointeur laser, console ROVER…), il permet de couvrir les principales missions opérationnelles (désignation laser de cible, appui feu, etc.) par des mises en situation réalistes et complémentaires de l’entraînement sur le terrain.

Serious game vs simulateur

Le serious game va chercher à transmettre un apprentissage (comme l’appropriation technique de tout ou partie d’un système d’arme ou l’appropriation de contextes opérationnels particuliers) en utilisant les pratiques du jeu pour démultiplier les capacités de mémorisation et de sédimentation des apprentissages. Il va pour cela s’appuyer sur un maître de jeu et, si besoin, des analystes spécialisés.

Il existe différents types de serious games :

  • Les purs serious games, utilisés dans leur packaging d’origine et enrichis de modèles supplémentaires, comme Digital Combat Simulator (Eagle Dynamic) ;
  • Des outils de simulation issus de jeux vidéo mais packagés spécifiquement pour un usage militaire comme VBS4 (Bohemia Interactive) qui est issu du jeu vidéo Arma III ;
  • Des frameworks de développement de jeux vidéo qui peuvent permettre de développer des simulations comme Unity 3D ou Unreal Engine (Epic Games) ;
  • Des Serious Games développés spécifiquement sur des technologies hors du monde du jeu, par exemple à partir de HTML 5.

Le simulateur est quant à lui un dispositif technique virtuel permettant de reproduire avec une grande précision des éléments passés (en mode retours d’expérience), présents (reproduction d’un environnement tactique) ou futurs (description de capacités futures ou consolidation de scénarios pour construire une doctrine exploratoire). Il va s’appuyer sur un directeur d’activité, des analystes spécialisés et surtout un module d’analyse après action.

La frontière entre serious game, simulateur et jeux vidéo est ainsi de moins en moins poreuse, certains jeux vidéo donnant lieu au développement de versions professionnelles qui seront personnalisées par les armées, autour d’outils standardisés.

Virtual Batte Space est la version militarisée du jeu vidéo ARMA 3. Elle est notamment utilisée par l’Armée de terre française, qui l’a adaptée à ses besoins pour créer un véritable metavers d’entraînement virtuel, en intégrant ses modèles d’équipement et de matériel et ses terrains d’opérations prioritaires. Le réseau de simulation militaire haut débit est accessible pour 100% de ses régiments (via 146 serveurs et plus de 6500 postes de simulation). Il est piloté par un centre de commandement qui joue le rôle de tour de contrôle technique, organise des simulations inter régiments et gère les mises à jour et la sécurité.

Pour le général Philippe Dutroncy, « ce qu’on va aller chercher avec un jeu vidéo, ce sont 4 grandes qualités qui leurs sont propres :

  • la crédibilité, soit une complexité crédible dans un environnement immersif sans forcément tout modéliser ;
  • la possibilité de scripter (ajout de scénario, de nouveaux modèles d’équipements, de terrains, etc.) ;
  • l’ergonomie, souvent la grosse force du monde du jeu ;
  • et la capacité de soutien de l’environnement ludique dans le temps, avec une durée de vie longue et des mises à jour régulières. »

On va ensuite y ajouter 4 besoins clés pour les armées :

  • un accès au back-office pour incorporer des bases de données professionnelles ;
  • la connexion aux outils de commandements (SIOC) et l’interopérabilité avec d’autres simulateurs ;
  • la possibilité de créer des scénarios professionnels, plus complexes ;
  • et l’ajout d’un outil d’analyse après action.

Quelques conseils avant de se lancer

À l’occasion du salon Eurosatory, Jean-Baptiste Guillerit et le général Dutroncy ont eu l’opportunité de partager leur vision pour la mise en place d’une stratégie serious game :

  • Bien définir l’objectif d’apprentissage dès le départ ;
  • Obtenir de la visibilité à long terme sur le business model de l’éditeur, sa politique de licence, son coût et sur la pérennité du support technique ;
  • Vérifier l’origine du serious game (pays, types d’acteurs, contenus) ;
  • Privilégier une architecture ouverte, permettant d’intégrer des modèles 3D et des modèles terrain qui reposent sur des standards et d’héberger le jeu sur des serveurs on-premise ;
  • Vérifier la capacité à modéliser le comportement des agents de simulation, y compris à partir d’une IA spécifique, permettant d’avoir des réactions crédibles, différentes à chaque itération, notamment en utilisant les données des entraînements à partir de scenarii opérationnels.

L’utilisation de serious game est déjà une réalité même si des freins mentaux subsistent parfois. Pour Jean-Baptiste Guillerit, « les Armées ne doivent pas avoir peur des serious games. Ils sont des accélérateurs pour la création d’outils de simulation intervenant à tous les niveaux opérationnels et sur tout le cycle de vie des systèmes, de la prise de besoin jusqu’à la formation des opérateurs voire à la promotion des équipements. »

Notre expert

Jean-Baptiste Guillerit

Simulation Presales Manager
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