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Cosmétique : quand le passeport numérique dépasse le seul enjeu de l’éco-conception

Stéphane Théry
21 janvier 2025

Appelé à devenir dès 2027 un outil incontournable dans la transition vers une économie plus durable, le passeport numérique des produits (DPP) est bien plus qu’un nouvel exercice de mise en conformité réglementaire.

L’industrie cosmétique a tout intérêt à s’en emparer pour aller plus loin sur le terrain de la circularité, de l’expérience client et de l’efficacité opérationnelle.

64% des consommateurs affirment que le dévelopement durable est un facteur déterminant dans leur décision d’achat, selon l’étude “Ce qui compte pour le consommateur en 2025” du Capgemini Research Institute. S’ils sont de plus en plus nombreux à traduire leurs valeurs par des actes, il existe encore un certain scepticisme envers le discours des marques, questionnant la durabilité affichée et exigeant plus de transparence. C’est l’une des raisons pour lesquelles l’Union européenne a introduit en 2024 le passeport numérique des produits (Digital Product Passport, DPP), dans le cadre de sa réglementation ESPR (Ecodesign for Sustainable Products Regulation).

Pour inscrire chaque produit dans une démarche durable, le DPP s’engage à réunir des informations détaillées sur la composition, l’origine de ses ingrédients, leur traçabilité tout au long de leur chaîne de valeur ou encore la recyclabilité des produits. Le DPP s’impose ainsi comme un élément de réponse précieux à un enjeu planétaire : l’économie mondiale consomme en effet plus de 100 milliards de tonnes de matériaux chaque année. Or, moins de 10% de ces ressources limitées sont réutilisées**. Obligatoire dès 2027 pour le textile, les équipements électriques et les batteries, il sera progressivement étendu à tous les produits vendus en Europe dans les années suivantes.

Réinventer l’expérience client

Centré sur le produit, le DPP instaure une démarche radicalement nouvelle pour des industriels, habitués à analyser leur impact à l’échelle de leurs activités et de celles de leur écosystème. Ce changement d’approche ouvre la voie à de nouveaux leviers de création de valeur. À commencer par l’expérience client. Alors que le packaging des produits physiques ne dispose que d’une surface limitée, le numérique, lui, offre un espace infini pour raconter le produit, sa composition, sa naturalité, ses allergènes et son innocuité. Le DPP peut également accueillir de nouveaux services différenciants pour les marques de cosmétique.

En flashant un QR code, le consommateur accède par exemple à des conseils d’utilisation pour une crème de jour, découvre une routine beauté, découvre un catalogue d’accessoires et de produits complémentaires, pose ses questions à un agent conversationnel (nourri à l’IA générative), ou encore trouve des explications sur la démarche à suivre pour recharger un flacon de parfum et limiter son impact environnemental. Grâce au DPP, le produit devient un canal de communication entre la marque et son client.

Des gains de performances opérationnelles

Le DPP se place également au service de l’efficacité opérationnelle. C’est un aspect essentiel pour rentabiliser l’investissement qu’il représente. En améliorant la traçabilité d’un produit sur l’ensemble de son cycle de vie, il conduit à l’optimisation de la chaîne logistique et à la détection des éventuelles failles. De même, il est appelé à devenir un auxiliaire précieux pour contrôler la bonne distribution des produits et s’assurer qu’un rouge à lèvres destiné au marché européen ne se retrouve pas dans un aéroport asiatique ou chez un revendeur sud-américain. Il participe dès lors à la réduction des risques, mais aussi à la lutte contre la fraude.

Mais pour que le DPP devienne réalité et tienne ses promesses, il doit impérativement être interopérable, au sein de l’écosystème. Chaque acteur impliqué doit être en mesure de renseigner et de consulter les matières premières, leurs origines, les entreprises impliquées à chaque étape de la chaîne de valeur, du fournisseur au distributeur, jusqu’à la fin de vie. Pour les marques de cosmétiques grand public, ces standards devront également satisfaire aux exigences des distributeurs et, par conséquent, s’harmoniser avec les DPP des produits non-cosmétiques.

Une mise en œuvre à anticiper

Inéluctable, ambitieux et catalyseur d’un business durable, le DPP mérite que les entreprises s’y consacrent dès maintenant. Et même si l’industrie cosmétique ne devrait pas être directement soumis à la réglementation avant 2030, les acteurs ont intérêt à prendre le sujet à bras-le-corps, pour anticiper toute sa complexité, à l’instar d’un L’Oréal qui a pris les devants avant même que le cadre réglementaire européen ne l’impose.

Car le DPP impose aussi une adaptation organisationnelle et technologique interne pour placer le produit au cœur de la stratégie. Cela signifie une coordination de tous les départements, depuis la R&D qui travaille sur les compositions jusqu’au service client et au-delà (IT, supply chain, achats…). Désiloter l’entreprise reste plus que jamais une nécessité et de nouveaux rôles de « référents traçabilité » devraient émerger dans chaque département, pour que la transversalité puisse s’exprimer. Et venir nourrir le DPP.

Notre expert

Stéphane Théry

Senior Director Intelligent Industry, Capgemini Invent
Avec plus de 25 ans d’expérience dans le secteur du conseil, Stéphane est spécialisé dans l’accompagnement des clients dans leur parcours de transformation numérique, en tirant parti d’innovations durables et technologiques. Son expertise couvre les domaines des appareils connectés, de l’analyse des données et de l’intelligence artificielle, appliqués dans des cadres organisationnels complexes pour relever efficacement les défis du marché. Au cours des deux dernières années, Stéphane a dirigé des initiatives dans le secteur des produits de consommation et du commerce de détail, en me concentrant sur la mise en œuvre des codes QR et la promotion de l’économie circulaire.
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