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Vers une nouvelle génération de bibliothèques universitaires, repensée et dynamisée grâce aux approches centrées utilisateurs

Capgemini Invent
4 avril 2023
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Contrairement à l’image qui est parfois véhiculée, les bibliothèques n’ont pas vocation à être des lieux poussiéreux où seuls les pas des étudiants et les rappels à l’ordre des bibliothécaires viendraient briser le silence.

On a vu des projets ambitieux d’aménagement et de réorganisation des bibliothèques universitaires émerger. Toutefois, si ce cliché colle encore aux murs des bibliothèques, c’est qu’il reflète une certaine réalité : malgré des impulsions gouvernementales, le parc des bibliothèques françaises peine à se renouveler pour répondre aux nouveaux besoins du corps enseignant et estudiantin.

Pour améliorer l’offre de service et répondre aux nouveaux usages des lecteurs, aux exigences de la numérisation des collections ainsi qu’à l’évolution du contexte informationnel, la conception des bibliothèques fait appel à la conception d’expérience centrée utilisateur et aux méthodes de design convergent (c’est-à-dire l’expérience utilisateur vécue de manière intégrée dans des environnements numériques ou physiques).

Alors, quels sont les enseignements de ces nouvelles approches appliqués au milieu des bibliothèques universitaires ?

L’espace : plus de modularité et de proximité pour « faire venir la bibliothèque universitaire aux étudiants » et en faire un espace de création de connaissance.

Les approches de conception centrée sur les usages permettent de répondre plus précisément aux besoins des utilisateurs et se traduisent notamment par le changement progressif de la mission des bibliothèques d’un simple fournisseur de ressources à celui d’un lieu à part entière dans l’apprentissage et la création d’intelligence.

De nombreuses initiatives sont expérimentées à travers le monde pour repenser la programmation des espaces, l’architecture d’intérieur, les mobiliers et les activités pour satisfaire les nouveaux besoins et comportements des étudiants, en particulier numériques. La bibliothèque américaine du Monterrey Institute of Technology n’a pas été conçue comme un lieu unique, mais comme des espaces « éclatés » composants un réseau de bibliothèques offrant une souplesse singulière aux utilisateurs, sans limites géographiques et sans contraintes d’espace.

Cette souplesse est retranscrite dans les choix de mobilier et d’agencement qui sacralise le lien entre espace physique et numérique. Fournir un matériel et un espace pensé pour répondre à ces évolutions revêt de nombreux aspects : la polyvalence et la modularité des usages qui en sont faits  ; l’expression de la convivialité et d’ouverture à travers des cloisons transparentes ; une réflexion sur l’entrée de la bibliothèque comme un espace de transition, de découverte ou d’animation.

Si la bibliothèque est moins consacrée aux linéaires de livres, elle reste le réceptacle iconique du savoir. La bibliothèque doit maintenant animer le savoir et le donner à voir.

De plus en plus, de grandes bibliothèques proposent une expérience augmentée à travers des expositions et des événements. Plus récemment, des réflexions d’intégration de Fablab (tiers-lieux donnant accès à des outils de fabrication numérique) au sein des bibliothèques ont été lancées. Néanmoins, ces initiatives restent encore trop rares dans les bibliothèques universitaires françaises, pourtant lieux idéals pour brasser les concepts, cocréer et exposer les travaux des étudiants (et plus). Que ce soit dans des reconversions ou des bâtiments neufs, il s’agit d’opportunités à anticiper dans la programmation architecturale et les aménagements, mais aussi dans le recrutement de ses responsables.

Les services et les expériences : repenser le rôle du bibliothécaire pour se diversifier et renforcer son attractivité aux usagers

Les bibliothèques universitaires sont traditionnellement des lieux de conservation. Le catalogage est un incontournable des fiches de poste des bibliothécaires. L’importance de cette mission se retrouve diluée face à l’émergence de nouvelles attentes des usagers. Si les étudiants délaissent les bibliothèques dans leur rôle de gardien du savoir traditionnel, une réelle demande existe d’un espace de vie outillé, communautaire et culturel.

L’accueil de la bibliothèque est souvent l’un des seuls points d’information où une continuité de service est assurée au sein de l’université.

Les sollicitations des lecteurs ne se cantonnent plus au domaine des ouvrages et portent sur l’ensemble des services de l’université. Renforcer les liens entre les bibliothèques et l’ensemble des services de l’université permettrait aux bibliothécaires de mieux aiguiller les usagers et de répondre à une demande qui résulte d’un état de fait. Des projets dans ce sens existent, comme à Sorbonne Université où un tchat interservices est en train d’être mis sur pieds.

Par ailleurs, si les bibliothèques universitaires ont perdu le monopole de la conservation du savoir-faire à internet, les bibliothécaires n’en demeurent pas moins des experts de la documentation. Interroger un moteur de recherche de manière efficace, garantir la fiabilité de ses sources, citer ses sources sont autant de compétences dites « informationnelles » cruciales pour les étudiants dans leur cursus, mais également dans leur développement de citoyen que les bibliothécaires sont à même de transmettre.

Enfin, il faut accompagner les bibliothécaires à développer les Fab Labs, s’y associer personnellement et être partie intégrante des projets initiés. Au-delà d’aider à la capitalisation, ils peuvent s’inscrire dans un rôle de facilitateur et d’animateur.

En conclusion, les bibliothèques font face à un défi unique qui implique des approches innovantes pour inventer de nouvelles fonctions, des services et des parcours utilisateurs hybrides. Les approches du design de services, de l’expérience et de la convergence deviennent essentielles. Il s’agit de replacer l’usager au centre de la bibliothèque physique, maintenant étendu par le numérique, en s’appuyant sur la clé de voûte de ces espaces : les bibliothécaires.

Nous remercions Hélène Fortin (conservatrice en chef des bibliothèques, responsable de la bibliothèque Michel Foucault de l’Université de Poitiers) et Servanne Monjour (maîtresse de conférences à la Faculté des Lettres de Sorbonne Université) d’avoir accepté de répondre à nos questions.

Auteurs

Alice Robichon

Directrice Secteur Public, Capgemini Invent
Directrice au sein des équipes secteur public de Capgemini Invent, Alice accompagne plus particulièrement les acteurs de l’éducation et de la culture. Juriste de formation, elle a exercé pendant plus de 10 ans au sein de l’Etat dans le pilotage interministériel de grandes réformes.

Rebecca Maumet

Consultante Citizen Services, Capgemini Invent

Wassima Hajji

Consultante Citizen Services, Capgemini Invent

Armand Teychené

Directeur Innovation & Design – frog part of Capgemini Invent

Jean-Baptiste Perrin

Expert en Innovation Strategy, Marketing & Communications – Public Sector, Capgemini Invent
Jean-Baptiste dirige les activités à impact sociétal et la RSE au sein de Capgemini Invent. Après une première expérience au Département des Finances de la Mairie de New York, il rejoint Capgemini France en 2007. Aujourd’hui, il développe également Purpose en France et à l’international, une agence Public Benefit Corporation qui développe des mouvements de mobilisation collective pour favoriser la construction d’un monde inclusif, durable et solidaire. Jean-Baptiste enseigne à Sciences Po Paris depuis plus de 15 ans.