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L’IA, au service de l’efficacité énergétique des réseaux télécoms

Yannick Martel & Caroline Vateau
14 février 2023

L’énergie constitue une part importante des coûts et de l’empreinte environnementale des opérateurs télécoms. Grâce à l’intelligence artificielle, ils ont la possibilité de réaliser à court terme des économies d’énergie substantielles sans investissements matériels supplémentaires ni sacrifices sur la qualité de service. 

L’efficacité énergétique est devenue un sujet prioritaire pour des raisons économiques et écologiques (alignement avec leur trajectoire de réduction des émissions carbone) donc, mais aussi de résilience opérationnelle dans l’éventualité de coupures électriques. Ces considérations doivent être prises en compte dans les futurs déploiements, notamment 5G, mais il ne faudrait pas oublier la modernisation des infrastructures existantes, et tout particulièrement les réseaux radios 4G, 3G et 2G qui comptent pour 70 % de la facture énergétique des opérateurs. Or, dans ce domaine, des améliorations significatives sont à portée de main sans qu’il soit nécessaire de modifier les installations.

Moduler la puissance électriques des réseaux

Les équipements radios disposent en général de fonctionnalités permettant de réduire automatiquement la puissance électrique ou de les éteindre en fonction de seuils prédéfinis. On peut ainsi décider de couper certains éléments du réseau dans une zone donnée, sur une plage horaire donnée. D’ores et déjà utilisée, cette approche statique n’a toutefois qu’un impact limité – difficile d’ailleurs de l’évaluer – et elle ne peut être employée qu’avec parcimonie si l’on souhaite préserver un bon niveau de service.

Collecter et analyser les données pour mettre en place des stratégies précises d’économie d’énergie

La collecte massive de données de fonctionnement et leur analyse par les outils d’intelligence artificielle (IA) permettent au contraire de déployer une stratégie dynamique d’effacement des équipements ou de ressources spécifiques, qui sera beaucoup plus ciblée et ajustée au trafic réel. On sera en mesure de connaître précisément les économies d’énergie réalisées et de les maximiser sans nuire à la qualité de service, l’automatisation permettant, en outre, d’obtenir ces bénéfices sans solliciter davantage les équipes. 

L’optimisation dynamique de la consommation énergétique des réseaux mobiles grâce à l’IA représente le niveau de plus mature (et complexe) du pilotage énergétique des installations qui peut être mise en place selon les étapes suivantes : 

1 – L’évaluation globale 

En premier lieu, on aborde la question énergétique par une modélisation physique des différents composants du réseau. L’agrégation de ces résultats permet d’obtenir un ordre de grandeur de l’empreinte globale des consommations d’énergie pour l’entreprise et leur répartition par usages pour identifier les grands axes de progrès. Cette approche permet d’évaluer l’impact de différents scénarios mais, purement statique, elle ne peut suggérer que des changements structurels, de configuration ou de matériel, et non des optimisations associées aux besoins de capacité instantanée. 

2 – La mesure détaillée 

Il est essentiel de comprendre la consommation d’énergie pour améliorer son efficacité. Il faut donc collecter, organiser et analyser des données sur des équipements spécifiques. Une préparation des données est nécessaire pour les rendre utilisables. Grâce à cela, on peut obtenir des informations détaillées sur la consommation, pour simuler les actions possibles et estimer leurs bénéfices, sans pouvoir encore les appliquer directement.

3 – La modélisation statistique 

L’utilisation des outils d’apprentissage automatique permet d’établir un modèle statistique plus précis de la consommation énergétique du réseau, en tenant compte de nombreux facteurs, tels que le type de matériel, les services, le nombre d’utilisateurs, les conditions météorologiques, etc. Ces modèles aident à identifier les principaux facteurs qui influencent la consommation énergétique, à trouver les paramètres optimaux selon les circonstances et à identifier les comportements anormaux qui peuvent signaler une anomalie.

4 – L’optimisation dynamique 

Une fois ces modèles statistiques établis, l’opérateur est en capacité d’anticiper précisément le trafic au niveau de chaque cellule, à quelques minutes près, et de déterminer aussitôt quels équipements éteindre ou rallumer pour minimiser la consommation énergétique tout en maintenant la qualité de service attendue. Pour réaliser ces actions, il faut avoir automatisé le contrôle des équipements (en conformité avec les règles de cybersécurité). La mise en place d’un reporting et pilotage central, dynamique et temps réel des consommations d’énergies permet de tendre vers un optimum énergétique. 

Une telle optimisation dynamique des réseaux mobiles n’est pas une chimère. Des expérimentations ont démontré sa faisabilité et, surtout, fourni des résultats prometteurs avec des gains pouvant atteindre assez aisément 15-18 %. En outre, ces approches peuvent être mises en œuvre dans des délais assez brefs. La part la plus importante du travail concernant la constitution d’un historique de données fiables et exploitables, et l’intégration avec les outils de l’opérateur. L’important est de démarrer sur un périmètre (par exemple : 4G vs 5G, dans une région donnée), de s’assurer que l’optimisation n’impact pas l’expérience client, et d’étendre ensuite, dans une démarche de mise en œuvre incrémentale.

Auteurs

Yannick Martel

Expert en Intelligence Artificielle

Caroline Vateau

Directrice Numérique Responsable, Capgemini Invent
Caroline Vateau fait partie des experts nationaux sur les problématiques environnementales du numérique (Green IT). Elle intervient depuis une quinzaine d’année sur les sujets de la mesure des impacts environnementaux du numérique, de la construction des bases de données, de la définition des référentiels, la publication de livres blanc. Directrice Sustainable IT chez Capgemini Invent, elle participe à l’intégration du numérique responsable dans les projets de transformation digitale.

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