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Pour combattre le (cyber)harcèlement scolaire : les promesses des politiques publiques locales et du numérique

Capgemini Invent
20 juillet 2022
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Le (cyber)harcèlement scolaire est aujourd’hui un enjeu de politiques publiques majeur

Dans la circulaire de rentrée 2022, le ministre de l’Éducation nationale indique que dès la semaine de rentrée, tous les élèves seront sensibilisés aux phénomènes de harcèlement et de cyberharcèlement. Cette mesure traduit l’importance de ce fléau en milieu scolaire qui s’impose comme un sujet de politique publique majeur dans le secteur de l’éducation. Après le lancement du programme Phare à la rentrée 2021, une nouvelle étape avait été franchie en mars avec la publication d’une loi qui a porté le harcèlement scolaire au rang de délit.

Caractérisé par la répétition de comportements ou de paroles agressives envers un élève, le harcèlement scolaire est la forme la plus prégnante de harcèlement chez les Français (IFOP, 2021). Les réseaux sociaux, qui facilitent la continuité des liens de l’école à la vie privée, permettent malheureusement aussi à ce phénomène qui naît dans l’institution, de s’immiscer plus intimement dans la vie des élèves. Cette thématique pourrait être un axe majeur du « grand débat dans les écoles » prévu à la rentrée 2022. Cela permettrait de faire émerger de nouvelles idées qui pourraient être testées à l’échelle locale et ensuite entérinées dans les Projets éducatifs de territoire, réels cadres de l’environnement éducatif local.

La mobilisation des acteurs locaux, mais aussi le numérique, deux piliers sur lesquels s’appuient les nouvelles mesures du programme Phare, offrent des perspectives à explorer pour mener une politique publique ambitieuse contre le (cyber)harcèlement scolaire et pour la réussite à l’école.

Les promesses de la technologie et plus particulièrement de l’intelligence artificielle pour lutter contre le (cyber)harcèlement

Le numérique et l’intelligence artificielle offrent aujourd’hui des perspectives encourageantes pour aider les différents acteurs nationaux comme territoriaux à amplifier les actions de prévention et d’accompagnement des situations de (cyber)harcèlement scolaire.

Des outils de sensibilisations interactifs

A la manière de la plateforme 3018 développée par le gouvernement qui met à disposition des ressources interactives comme un questionnaire de détection de harcèlement, les outils numériques permettent de faciliter l’accès aux équipes pédagogiques ainsi qu’aux élèves à une information fiable pour mieux comprendre, prévenir, détecter et apprendre à réagir face à une situation de harcèlement.

Par ailleurs, de nombreux projets de recherche s’intéressent aujourd’hui à la lutte contre le (cyber)harcèlement par le prisme de la sensibilisation. C’est notamment le cas de Elena Cabrio et Serena Villata, chercheuses à l’Université de Côte d’Azur, qui dans le cadre de leurs recherches interviennent dans des établissements scolaires, accompagnées de Catherine Blaya, sociologue. Après une première introduction sur le harcèlement et l’intelligence artificielle, les élèves sont invités à participer à un jeu de rôle en ligne, de manière anonyme, dans lequel ils échangent avec leurs camarades et sont confrontés, en tant que témoins, à des situations de harcèlement.

Deux semaines plus tard, est organisée une séance de retours par la sociologue qui revient sur les résultats d’un questionnaire sur leurs comportements en ligne que les élèves ont rempli. De telles sensibilisations par la mise en pratique ont des résultats encourageants grâce à leur approche centrée sur la pédagogie participative qui contraste avec les sensibilisations magistrales. De nouvelles expérimentations pourraient être conduites dans le cadre de « l’école du futur » qui doit se généraliser à la rentrée 2022.     

Des points de contacts accessibles qui s’adaptent aux besoins des victimes

Le numérique permet également de développer de nouvelles portes d’entrée où les victimes et les témoins de (cyber)harcèlement peuvent signaler les méfaits. Une interface numérique offre une solution accessible à tout moment et en tout lieu, avec une diversité de moyens de contact, où, comme sur la plateforme 3018, l’utilisateur a le choix entre contacter quelqu’un par téléphone, ou par le biais d’un tchat.

Réfléchir à offrir une pluralité de moyens de communication est une piste à privilégier pour améliorer la détection des cas de harcèlement, faciliter la prise de parole des enfants concernés, souvent inhibée par le sentiment de honte et l’isolement, et apporter un accompagnement de meilleure qualité. Parmi les tentatives de ce faire, on peut citer notamment le chatbot Botti imaginé lors d’une coopération entre des équipes de Capgemini Invent Allemagne et l’une des équipes gagnantes du #wirfürschule hackathon, qui permet aux élèves d’utiliser des smileys plutôt que des mots pour exprimer leurs sentiments.

Des solutions pour détecter et anticiper le (cyber)harcèlement de manière automatisée

Enfin, l’intelligence artificielle (IA) pourrait à l’avenir, devenir un outil performant pour détecter le cyberharcèlement, qui, se déroulant hors des murs de l’école peut passer inaperçu. Les résultats des recherches récentes sur le sujet sont encourageants : dans 80% des cas, l’IA développée par Elena Cabrio et Serena Villata dans le cadre du projet Cyberbullying Effects Prevention (CREEP) est capable de détecter correctement les cas de cyberharcèlement.

Pour développer cette technologie qui mêle analyse des schémas d’échanges de messages, Natural Language Processing (NLP) et détection d’émotions, le problème principal auquel se sont heurté les chercheuses a été l’accès aux données dans la mesure où ces technologies, pour devenir toujours plus performantes, nécessitent des bases de données conséquentes. Le problème se pose d’autant plus si l’on souhaite détecter le cyberharcèlement à grande échelle.

La saillance de l’importance des données est confirmée par les acteurs de la collaboration suédoise du projet « The digital twin for bullying » (l’entreprise Tietoevery, l’association Friends et l’Université d’Örebro). Soutenue par l’agence nationale pour l’innovation Vinnova, ce projet propose de créer un « jumeau numérique du harcèlement » en collectant et en consolidant un maximum de données pour créer une interface qui permettrait de modéliser et de prédire les futures tendances de cyberharcèlement.

Dans cette optique, l’accélération du dialogue entre les pouvoirs publics et les grands acteurs du numérique (moteurs de recherche et réseaux sociaux) représente l’une des conditions d’implémentation des politiques publiques de prévention de grande ampleur. Un laboratoire d’échange et d’expérimentation réunissant tous ces acteurs permettrait de dynamiser le dialogue afin de trouver rapidement des solutions concrètes. Capgemini Invent en s’associant à Purpose serait en mesure de proposer un cadre pour organiser une telle concertation.  

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